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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 23-22.076, Publié au bulletin

#Mots-clés: Liquidation Judiciaire, Résolution Plan, Nouvelle Procédure, Force Chose Jugée

Fiche technique de l’arrêt:

Titre: Cassation civile – ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
Numéro: 23-22.076, 23-22.077, 23-22.078
Décision: Cassation sans renvoi
Rapporteur: M. Bedouet
Rapporteur Public: M. de Monteynard
Avocat(s): SCP Le Bret-Desaché, SCP Gouz-Fitoussi
Date de lecture: 12 juin 2025

Faits:

La société O Sorbet d’amour a bénéficié de deux baux commerciaux, l’un consenti par la société Pacabear le 1er octobre 2012, et l’autre par la société Kabrousse en janvier 2013. Le 23 octobre 2019, la société O Sorbet d’amour a été placée en redressement judiciaire. La société Laurent Mayon a été initialement désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis remplacée par la société Firma. La société Vincent Mequignon, devenue la société Arva, a été désignée administrateur judiciaire. Les sociétés bailleresses, Pacabear et Kabrousse, ont saisi le juge-commissaire en résiliation des baux, arguant du non-paiement des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

Procédure:

1. Saisine du juge-commissaire par les sociétés Kabrousse et Pacabear en résiliation des baux commerciaux.
2. Le tribunal statue et constate la résiliation des baux par des jugements distincts.
3. Appel de ces décisions par la société O Sorbet d’amour, son administrateur judiciaire (société Arva) et son mandataire judiciaire (successivement Laurent Mayon puis société Firma).
4. Au cours des instances d’appel, le tribunal prononce la résolution du plan de redressement de la société O Sorbet d’amour et ouvre une procédure de liquidation judiciaire, désignant la société Firma en qualité de liquidateur.
5. Le 12 avril 2023, le tribunal arrête le plan de cession de la société O Sorbet d’amour au profit de la société Pasaryne, incluant la cession des baux commerciaux.
6. La Cour d’appel de Bordeaux, par arrêts du 5 septembre 2023, confirme la résiliation des baux.
7. Pourvois en cassation n° W 23-22.076 et X 23-22.077 formés par les sociétés Pasaryne, Firma ès qualités de liquidateur, et Arva ès qualités d’administrateur, contre les arrêts du 5 septembre 2023.
8. Pourvoi en cassation n° Y 23-22.078 formé par la société Pasaryne contre l’arrêt du 12 septembre 2023.

Problème juridique:

Une liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution d’un plan de redressement constitue-t-elle une nouvelle procédure collective faisant obstacle à la résiliation du bail pour des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, en l’absence d’une décision ayant acquis force de chose jugée avant l’ouverture de cette nouvelle procédure?

Solution:

La Cour de cassation casse sans renvoi les arrêts de la cour d’appel. Elle rappelle qu’une liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution d’un plan de redressement constitue une nouvelle procédure collective. En conséquence, elle fait obstacle à la résiliation du bail pour des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, sauf si une décision constatant ou prononçant la résolution du bail a acquis force de chose jugée avant le jugement d’ouverture de cette nouvelle procédure. La cour d’appel a donc violé les articles L. 622-27, L. 641-11-1, I et II et L. 641-12,3° du code de commerce et l’article 500 du code de procédure civile en constatant la résiliation du bail alors que le plan de redressement avait été résolu et la liquidation judiciaire ouverte le même jour.

Portée:

Cet arrêt clarifie l’articulation entre la résolution d’un plan de redressement, l’ouverture d’une liquidation judiciaire et la résiliation d’un bail commercial. Il précise qu’une liquidation judiciaire ouverte sur résolution d’un plan de redressement constitue une nouvelle procédure collective. Cette nouvelle procédure fait obstacle à la résiliation du bail pour des impayés postérieurs à l’ouverture du redressement judiciaire initial, sauf si une décision de résiliation du bail a déjà acquis force de chose jugée avant l’ouverture de cette nouvelle procédure.

Dispositif:

La Cour de cassation :

* Casse et annule les arrêts de la cour d’appel de Bordeaux du 5 septembre 2023.
* Dit n’y avoir lieu à renvoi.
* Rejette les demandes des sociétés Kabrousse et Pacabear tendant à la résiliation des baux.
* Annule par voie de conséquence l’arrêt du 12 septembre 2023.
* Condamne les sociétés Kabrousse et Pacabear aux dépens.

Intérêt de l’arrêt:

Cet arrêt est important pour plusieurs raisons:

* Il apporte une clarification sur le régime applicable en cas de résolution d’un plan de redressement suivie d’une liquidation judiciaire.
* Il confirme le caractère de “nouvelle procédure collective” de la liquidation judiciaire ouverte dans ces circonstances, avec les conséquences qui en découlent sur les contrats en cours, notamment le bail commercial.
* Il rappelle l’importance de la date à laquelle une décision de résiliation de bail acquiert force de chose jugée, cette date étant déterminante pour l’opposabilité de la décision aux procédures collectives.
* Il souligne la nécessité pour les bailleurs d’agir avec diligence pour obtenir une décision de résiliation de bail avant l’ouverture d’une nouvelle procédure collective.
* Il permet de sécuriser les opérations de cession d’entreprises en difficulté en clarifiant le statut des baux commerciaux inclus dans le plan de cession.
* Il permet d’éviter des interprétations divergentes sur l’application des articles L. 622-27, L. 641-11-1, I et II et L. 641-12,3° du code de commerce et de l’article 500 du code de procédure civile.

Tom COLLET

Juriste fiscaliste et en droit des affaires. Je décortique la jurisprudence judiciaire et administrative et vous la propose quotidiennement sur mes plates-formes.