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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 23-23.365, Publié au bulletin

Fiche technique de l’arrêt :

Titre : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 23-23.365, Publié au bulletin
Numéro : 23-23.365
Décision : Cassation
Rapporteur : M. Bedouet
Rapporteur Public : Mme Henry
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
Date de lecture : 12 juin 2025

Faits :

La société Jump XL a été mise en sauvegarde le 29 septembre 2021. La société AJRS a été désignée en qualité d’administrateur judiciaire et la société [N]-Pécou en qualité de mandataire judiciaire. La SCI Icom, bailleresse de la société Jump XL, a déclaré une créance à titre privilégié le 19 novembre 2021. Par lettre recommandée du 17 janvier 2022, le mandataire judiciaire a informé la SCI Icom que sa créance était contestée en son intégralité. Cette lettre ayant été retournée avec les mentions “destinataire inconnu à cette adresse” et “non réclamée”, le mandataire judiciaire l’a fait signifier par acte d’huissier de justice.

Procédure :

1. Mise en sauvegarde de la société Jump XL le 29 septembre 2021.
2. Déclaration de créance de la SCI Icom le 19 novembre 2021.
3. Contestation de la créance par le mandataire judiciaire par lettre recommandée du 17 janvier 2022.
4. Signification de la lettre de contestation par acte d’huissier de justice, la lettre recommandée étant revenue non distribuée.
5. Rejet de la créance de la SCI Icom par le juge-commissaire le 21 avril 2022.
6. Appel de la SCI Icom contre l’ordonnance du juge-commissaire.
7. Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 18 avril 2023 déclarant recevable le recours de la SCI Icom.
8. Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 21 novembre 2023
9. Pourvoi en cassation formé par la société Jump XL et les organes de sa procédure.

Problème juridique :

L’acte de signification par huissier de justice d’une lettre de contestation de créance par le mandataire judiciaire doit-il impérativement reproduire les dispositions de l’article L. 622-27 du code de commerce, même si la lettre de contestation elle-même les rappelle, pour que le délai de recours de trente jours prévu par cet article puisse courir ?

Solution :

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle que l’article R. 624-1 alinéa 2 du code de commerce impose au mandataire judiciaire d’aviser le créancier, par lettre recommandée avec accusé de réception, de la contestation de sa créance, en précisant l’objet de la discussion, le montant de la créance dont l’inscription est proposée et en rappelant les dispositions de l’article L. 622-27 du même code. Elle juge que, dès lors que la lettre de contestation, signifiée par voie d’huissier de justice, reproduit l’article L. 622-27 du code de commerce, l’acte de signification n’a pas à reproduire ce texte.

Portée :

Cet arrêt précise les formalités à respecter en cas de contestation d’une créance dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, lorsque la notification de la contestation est effectuée par voie de signification. Il allège les exigences formelles pesant sur l’acte de signification, en considérant que la reproduction de l’article L. 622-27 du code de commerce n’est pas nécessaire si elle figure déjà dans la lettre de contestation signifiée.

Dispositif :

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu le 18 avril 2023 par la cour d’appel de Versailles et constate l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêt rendu le 21 novembre 2023. Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Versailles autrement composée. La société Icom est condamnée aux dépens. Les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

Intérêt de l’arrêt :

Cet arrêt est important pour les praticiens du droit des entreprises en difficulté, notamment les mandataires judiciaires et les créanciers. Il clarifie les obligations en matière de notification de la contestation de créance et permet d’éviter une interprétation trop formaliste des textes applicables.

* Pour les mandataires judiciaires, il simplifie la procédure de signification de la contestation de créance, en leur permettant de ne pas reproduire dans l’acte de signification les dispositions de l’article L. 622-27 du code de commerce dès lors que la lettre de contestation les contient déjà. Cela réduit les coûts et les risques d’erreur formelle.
* Pour les créanciers, il confirme que l’essentiel est d’être informé de la contestation de la créance et des conséquences de leur inaction, peu importe que cette information figure dans la lettre de contestation ou dans l’acte de signification, dès lors que la lettre elle-même remplit les conditions de l’article R. 624-1 du code de commerce.
* Plus généralement, cet arrêt illustre une volonté de la Cour de cassation de privilégier une approche pragmatique et de ne pas alourdir inutilement les procédures collectives par des exigences formelles excessives. Il contribue à une meilleure efficacité des procédures de sauvegarde en facilitant la communication entre les différents acteurs.

Tom COLLET

Juriste fiscaliste et en droit des affaires. Je décortique la jurisprudence judiciaire et administrative et vous la propose quotidiennement sur mes plates-formes.