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Conseil d’État, 9ème chambre, Inédit au recueil Lebon, 491200, 16/07/2025

Fiche Technique de l’Arrêt

Titre : Conseil d’État, 9e chambre, Inédit au recueil Lebon
Numéro : 491200
Lecture : 16 juillet 2025
Rapporteur : M. Julien Barel
Rapporteur public : Mme Céline Guibé
Avocat(s) : Me Descorps-Declère


Faits

La société Acropost a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. À l’issue de cette opération, l’administration fiscale lui a notifié des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés (IS) pour les exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2016, assortis des pénalités correspondantes.

Il ressort de la procédure que l’absence de déclaration d’IS pour les exercices 2014 et 2015 a été constatée à la suite de mises en demeure adressées les 25 août 2015 et 20 juin 2016, soit antérieurement à l’avis de vérification du 27 octobre 2016. Par ailleurs, la société n’a déposé aucune déclaration de TVA pour la période allant du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2016.


Procédure

  1. La société Acropost a saisi le tribunal administratif de Paris en vue d’obtenir la décharge des impositions supplémentaires et pénalités.
  2. Par jugement n° 2005166 du 16 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
  3. La société a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Paris.
  4. Par arrêt n° 22PA03294 du 22 novembre 2023, la cour a également rejeté l’appel.
  5. La société, représentée par son liquidateur judiciaire (SCP BTSG), a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (enregistré les 25 janvier et 25 avril 2024).

Problématique juridique

Le Conseil d’État était saisi de la question suivante :

La cour administrative d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en jugeant que les impositions en litige avaient été régulièrement établies selon la procédure de taxation d’office prévue aux articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales (LPF), et en écartant comme inopérant le moyen tiré de l’irrégularité de la vérification de comptabilité ?

En d’autres termes, la Haute Juridiction devait déterminer si l’administration peut régulièrement recourir à la taxation d’office lorsque les manquements déclaratifs ont été constatés indépendamment de la vérification de comptabilité ultérieurement engagée, et si une éventuelle irrégularité de cette vérification affecte la validité des impositions établies d’office.


Solution

Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la société Acropost et juge que :

  • Concernant la TVA due pour l’année 2014 : les rectifications notifiées n’ont pas donné lieu à mise en recouvrement. Le Conseil substitue donc ce motif à celui retenu par la cour pour confirmer le rejet de la demande de décharge.
  • Pour les autres impositions (IS et TVA) : la cour a implicitement mais nécessairement constaté que les conditions de la taxation d’office (absence de dépôt de déclarations) étaient antérieures et indépendantes de la vérification de comptabilité.
    Elle n’a donc ni commis d’erreur de droit, ni insuffisamment motivé sa décision, en écartant comme inopérant le grief tiré de l’irrégularité de cette vérification.

Portée de l’Arrêt

Cet arrêt confirme une jurisprudence constante :

Une procédure de taxation d’office peut être valablement engagée dès lors que l’absence de déclaration a été préalablement constatée et notifiée, indépendamment d’une vérification de comptabilité éventuellement irrégulière.

L’irrégularité de cette dernière n’a pas d’incidence sur la régularité de la taxation d’office si les conditions d’application des articles L. 66 et L. 68 du LPF sont réunies avant son déclenchement.

Il illustre également le pouvoir de substitution de motifs du Conseil d’État : en l’espèce, le Conseil corrige la motivation de la cour tout en confirmant la solution retenue sur la TVA de 2014.


Dispositif

  • Article 1er : Le pourvoi de la société Acropost est rejeté.
  • Article 2 : La décision est notifiée à la SCP BTSG (liquidateur judiciaire) et au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Intérêt de l’Arrêt

Cet arrêt présente un intérêt pratique important pour les praticiens du droit fiscal :

  • Il clarifie les conditions de validité de la taxation d’office, en confirmant que celle-ci est indépendante d’une vérification de comptabilité dès lors que les mises en demeure ont été régulièrement notifiées au préalable.
  • Il rappelle que le respect des obligations déclaratives est fondamental : leur méconnaissance expose les entreprises à une taxation d’office difficilement contestable.
  • Il met en lumière la marge d’appréciation du juge de cassation, notamment dans l’usage de la substitution de motifs, sans remettre en cause la solution de l’arrêt d’appel.

En définitive, cette décision souligne l’importance pour les contribuables de déposer leurs déclarations dans les délais et d’anticiper les suites d’un éventuel défaut déclaratif, même en cas de contestation d’une procédure de vérification de comptabilité.

Tom COLLET

Juriste fiscaliste et en droit des affaires. Je décortique la jurisprudence judiciaire et administrative et vous la propose quotidiennement sur mes plates-formes.