Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 24-13.566, Publié au bulletin
Fiche technique:
Titre: Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2025, 24-13.566, Publié au bulletin
Numéro: 24-13.566
Décision: Cassation
Rapporteur: Mme Brahic-Lambrey
Rapporteur Public: Mme Henry
Avocat(s): SCP Piwnica et Molinié, SCP Françoise Fabiani – François Pinatel
Date de lecture: 12 juin 2025
#Mots-clés: Faillite personnelle, Insuffisance d’actif, Droit commercial
Faits:
La société Réunionnaise de vente de matériel de levage et de travaux publics (SORELEV) a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, respectivement les 12 mai et 30 juin 2010. La société Franklin Bach, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SORELEV, a assigné M. [Z], dirigeant de cette dernière, en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé de sa faillite personnelle. Le liquidateur reprochait au dirigeant des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.
Procédure:
1. Première instance : La société Franklin Bach, en qualité de liquidateur de la société Sorelev, assigne M. [Z], le dirigeant, en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé de sa faillite personnelle.
2. Cour d’appel de Saint-Denis (15 novembre 2023) : La cour d’appel rejette la demande de condamnation de M. [Z] à supporter l’insuffisance d’actif, estimant que les documents produits par le liquidateur ne suffisent pas à établir l’existence d’une telle insuffisance. Elle infirme également le jugement de première instance ayant prononcé la faillite personnelle de M. [Z], toujours au motif de l’absence de preuve suffisante de l’insuffisance d’actif.
3. Pourvoi en cassation : La société Franklin Bach forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Elle invoque d’une part une méconnaissance des termes du litige concernant la demande de condamnation à supporter l’insuffisance d’actif, et d’autre part une erreur de droit concernant la demande de faillite personnelle, en soutenant que cette dernière peut être prononcée même en l’absence de preuve d’une insuffisance d’actif.
Problème juridique:
1. La cour d’appel a-t-elle méconnu les termes du litige en rejetant la demande de condamnation du dirigeant à supporter l’insuffisance d’actif au motif que celle-ci n’était pas suffisamment prouvée, alors que les parties s’accordaient sur son existence et que seul le lien de causalité avec les fautes de gestion était contesté ?
2. La cour d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en rejetant la demande de faillite personnelle du dirigeant au motif que l’insuffisance d’actif n’était pas établie, alors que la faillite personnelle peut être prononcée en présence de faits énumérés aux articles L. 653-4 et L. 653-5 du code de commerce, indépendamment de l’existence d’une insuffisance d’actif ?
Solution:
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis en toutes ses dispositions.
1. Sur la demande de condamnation à supporter l’insuffisance d’actif : La Cour de cassation considère que la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile en modifiant l’objet du litige. En effet, les parties s’accordaient sur l’existence d’une insuffisance d’actif et seuls les fautes et leur lien avec cette insuffisance étaient discutés.
2. Sur la demande de faillite personnelle : La Cour de cassation considère que la cour d’appel a violé les articles L. 653-4 et L. 653-5 du code de commerce en ajoutant une condition non prévue par la loi. La faillite personnelle peut être prononcée si un ou plusieurs faits énumérés par ces articles sont relevés à l’encontre du dirigeant, sans qu’il soit nécessaire de constater l’existence d’une insuffisance d’actif.
Portée:
Cet arrêt rappelle deux principes importants en matière de droit des entreprises en difficulté.
1. L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge ne peut le modifier. Il doit se prononcer sur les points effectivement contestés et ne peut rejeter une demande au motif d’un défaut de preuve sur un élément non contesté.
2. La faillite personnelle est une sanction qui peut être prononcée à l’encontre d’un dirigeant ayant commis certaines fautes, même en l’absence d’insuffisance d’actif. L’existence d’une insuffisance d’actif n’est pas une condition nécessaire au prononcé de la faillite personnelle.
Dispositif:
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis. Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Saint-Denis, autrement composée. M. [Z] est condamné aux dépens et doit verser 3 000 euros à la société Franklin Bach au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Intérêt de l’arrêt:
Cet arrêt est important pour les praticiens du droit des entreprises en difficulté car il clarifie les conditions de prononcé de la faillite personnelle et rappelle l’importance du respect de l’objet du litige. Il souligne que la faillite personnelle n’est pas uniquement une sanction liée à l’insuffisance d’actif, mais une sanction autonome qui peut être prononcée en cas de fautes de gestion graves, même si l’entreprise n’est pas en situation financière critique. Il est essentiel de bien identifier les éléments sur lesquels les parties s’accordent afin de ne pas soulever des moyens irrecevables car portant sur des points non contestés. Cet arrêt souligne également l’importance de bien fonder les demandes de faillite personnelle sur les faits spécifiquement prévus par la loi.
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