Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, Inédit au recueil Lebon, 494856, 18/06/2025
#Mots-clés: Exonération, Effectif, Intérimaires, Durée
Fiche technique de l’arrêt :
Titre : Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, Inédit au recueil Lebon
Numéro : 494856
Décision : Annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 4 avril 2024.
Rapporteur : M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur Public : Mme Céline Guibé
Avocat(s) : Maître Haas
Date de lecture : 18 juin 2025
Faits :
La société Déclic Intérim, entreprise de travail temporaire créée en avril 2011 et exerçant son activité à Andelat (Cantal), a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016. À l’issue de cette vérification, l’administration fiscale a remis en cause le régime d’exonération d’impôt sur les sociétés dont elle bénéficiait en tant qu’entreprise implantée en zone de revitalisation rurale (ZRR) pour les exercices clos de 2013 à 2016. La remise en cause était motivée par le non-respect de la condition d’effectif salarié prévue par l’article 44 quindecies du code général des impôts. Des contrôles sur pièces ultérieurs ont conduit l’administration à remettre en cause cette exonération pour les exercices 2017, 2018 et 2019. En conséquence, la société Déclic Intérim a été assujettie à des cotisations d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2019, et des mises en demeure de payer ont été émises en date des 31 janvier 2018, 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020.
Procédure :
1. La société Déclic Intérim a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour demander la décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes pour les exercices 2013 à 2016, ainsi que la décharge de l’obligation de payer résultant de la mise en demeure du 31 janvier 2018.
2. Le directeur départemental des finances publiques du Cantal a soumis d’office au tribunal administratif de Clermont-Ferrand les réclamations de la société concernant les exercices 2017, 2018 et 2019, ainsi que les mises en demeure de payer des 31 juillet 2019 et 15 octobre 2020.
3. Par jugement du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les demandes de la société.
4. La société Déclic Intérim a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Lyon.
5. Par arrêt du 4 avril 2024, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel de la société.
6. La société Déclic Intérim a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon.
Problème juridique :
La cour administrative d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en jugeant que, pour déterminer si l’effectif salarié d’une entreprise de travail temporaire la rend éligible au bénéfice du régime d’exonération d’impôt sur les sociétés prévu pour les ZRR, il convient de prendre en compte les intérimaires liés à l’entreprise par plusieurs contrats de mission d’une durée inférieure à six mois, mais dont la durée cumulée de présence au sein de l’entreprise est égale ou supérieure à six mois au cours de l’exercice considéré, alors que l’article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, exige que les salariés bénéficient soit d’un contrat à durée indéterminée, soit d’un contrat d’une durée minimale de six mois fixée par ses stipulations ?
Solution :
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon. Il a considéré que la cour a commis une erreur de droit en incluant dans le calcul de l’effectif salarié les intérimaires liés à l’entreprise par des contrats de mission de moins de six mois, même si la durée cumulée de leur présence était supérieure à six mois. Le Conseil d’État rappelle que seules les personnes bénéficiant d’un CDI ou d’un CDD d’une durée minimale de six mois peuvent être prises en compte pour le calcul de l’effectif au titre de l’article 44 quindecies du CGI.
Portée :
Cet arrêt précise l’interprétation de la condition d’effectif prévue à l’article 44 quindecies du code général des impôts pour bénéficier du régime d’exonération d’impôt sur les sociétés en ZRR. Il confirme que seuls les salariés titulaires d’un contrat de travail d’une durée minimale de six mois, appréciée au regard des stipulations contractuelles et de leurs avenants, peuvent être pris en compte pour le calcul de l’effectif. Les entreprises de travail temporaire doivent donc être particulièrement vigilantes quant à la durée des contrats de mission de leurs intérimaires pour déterminer leur éligibilité à ce régime.
Dispositif :
Article 1er : Annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 4 avril 2024.
Article 2 : Renvoi de l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : L’État versera à la société Déclic Intérim la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Notification de la décision à la société Déclic Intérim et au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
Intérêt de l’arrêt :
Cet arrêt est important car il clarifie les modalités de calcul de l’effectif salarié pour l’application du régime d’exonération d’impôt sur les sociétés en ZRR, notamment pour les entreprises de travail temporaire. Il rappelle que la condition de durée minimale de six mois du contrat de travail doit être appréciée au regard des stipulations contractuelles, et non en fonction de la durée cumulée de plusieurs contrats de mission successifs. Cette précision est essentielle pour les entreprises qui emploient des intérimaires et qui souhaitent bénéficier de ce régime d’exonération. L’arrêt réaffirme une interprétation stricte des conditions d’éligibilité aux dispositifs fiscaux incitatifs, insistant sur la nécessité d’une analyse précise des contrats de travail et de leur durée pour déterminer l’effectif pertinent. Il est donc crucial pour les conseils fiscaux d’alerter leurs clients sur les implications de cet arrêt et de les aider à structurer leurs contrats de travail en conséquence. De plus, cette décision souligne l’importance pour les entreprises de conserver une documentation rigoureuse concernant la durée des contrats de leurs employés, afin de pouvoir justifier leur éligibilité aux exonérations fiscales en cas de contrôle de l’administration.
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