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Note d’arrêt – Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 juillet 2025, 24-13.050, Publié au bulletin

#Mots-clés: Inopposabilité, Dessaisissement, Paiement, Liquidateur

Fiche technique :

Titre : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 juillet 2025, 24-13.050, Publié au bulletin
Numéro de pourvoi : F 24-13.050
Décision : Rejet
Rapporteur : M. Boutié, conseiller référendaire
Rapporteur Public : Mme Henry, avocat général
Avocat(s) : SARL Le Prado – Gilbert
Date de lecture : 2 juillet 2025

Faits :

La société Agence de contrôle de l’habitat français (ACHF) était titulaire d’un compte ouvert auprès de la société Olinda, un établissement de paiement. Le 24 juin 2020, la société ACHF a été placée en liquidation judiciaire, et Mme [O] a été désignée en qualité de liquidateur. Après le prononcé de la liquidation judiciaire, trois paiements totalisant 8 850 euros ont été effectués à partir du compte de la société ACHF, le 29 juin 2020. La liquidatrice, Mme [O], a alors demandé à la société Olinda la restitution de cette somme.

Procédure :

1. Le 24 juin 2020, la société ACHF est mise en liquidation judiciaire.
2. Mme [O] est désignée liquidateur de la société ACHF.
3. La liquidatrice demande à la société Olinda, établissement de paiement où la société ACHF a un compte, la restitution de 8 850 euros correspondant à trois paiements effectués le 29 juin 2020, soit après le jugement de liquidation.
4. La Cour d’appel de Caen, par un arrêt du 1er février 2024, rejette les demandes de la société Olinda et la condamne à payer à la liquidatrice la somme de 8 850 euros, majorée des intérêts.
5. La société Olinda forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
6. La Cour de cassation rejette le pourvoi par un arrêt du 2 juillet 2025.

Problème juridique :

Un établissement de paiement peut-il se voir opposer l’inopposabilité des actes de disposition accomplis par un débiteur en liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-9 du Code de commerce, et être condamné à restituer les fonds indûment versés après le prononcé du jugement de liquidation ?

Solution :

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle affirme que l’article L. 641-9 du code de commerce dispose que les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, destinée à protéger les créanciers durant la procédure collective, sont frappés d’une inopposabilité à la procédure collective. Le liquidateur peut donc se prévaloir de cette inopposabilité, y compris à l’égard d’un établissement de paiement.

Portée :

Cet arrêt clarifie l’application de l’article L. 641-9 du Code de commerce aux établissements de paiement. Il confirme que ces établissements, au même titre que les établissements de crédit traditionnels, sont tenus de respecter les règles du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire. Ils ne peuvent se soustraire à l’action en inopposabilité exercée par le liquidateur concernant les paiements effectués postérieurement au jugement de liquidation. Cet arrêt étend le champ d’application de l’inopposabilité aux établissements de paiement, renforçant ainsi la protection des créanciers dans les procédures collectives.

Dispositif :

La Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Olinda aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Olinda.

Intérêt de l’arrêt :

Cet arrêt présente un intérêt pratique significatif pour les liquidateurs judiciaires et les établissements de paiement.

Pour les liquidateurs judiciaires, il confirme leur droit d’agir en inopposabilité contre les établissements de paiement pour récupérer les fonds versés indûment après le prononcé de la liquidation judiciaire. Cela renforce leur capacité à reconstituer l’actif de la société en liquidation et à protéger les intérêts des créanciers.

Pour les établissements de paiement, cet arrêt les sensibilise à l’importance de mettre en place des procédures internes rigoureuses pour détecter et bloquer les paiements émis par des entreprises en liquidation judiciaire. Ils doivent être particulièrement vigilants et collaborer étroitement avec les liquidateurs pour éviter d’être tenus responsables des paiements irréguliers.

En outre, cet arrêt contribue à harmoniser le traitement juridique des établissements de paiement et des établissements de crédit en matière de procédures collectives. Il reconnaît que, bien que leur fonctionnement diffère sur certains aspects, ils sont soumis aux mêmes obligations en matière de respect des règles du dessaisissement du débiteur.

Enfin, l’arrêt rappelle l’importance fondamentale de la règle du dessaisissement dans les procédures collectives, qui vise à préserver le gage des créanciers et à assurer une répartition équitable de l’actif de la société en difficulté. Il met en évidence le rôle crucial du liquidateur dans la mise en œuvre de cette règle et la protection des intérêts des créanciers.

Tom COLLET

Juriste fiscaliste et en droit des affaires. Je décortique la jurisprudence judiciaire et administrative et vous la propose quotidiennement sur mes plates-formes.